Olkypay

2018-03-01

Bras de fer entre olkypay et Veolia, sur fond de conflit d'intérêts

Par MYRIAM CHAUVOT Le 26/02 à 08:00 - Article source


La jeune pousse financière créée en 2012 au Luxembourg a conçu un système expert d’encaissement des factures qui minimise les impayés en fractionnant et en représentant automatiquement les paiements des clients en difficulté.

La justice devra trancher après la résiliation par Veolia du contrat le liant à la jeune pousse financière. L’affaire a fermé à Olkypay le marché des grands clients.


Se faire voler son savoir-faire est la hantise de toute jeune pousse. C’est ce qui est arrivé à Olkypay, selon Franck Rouayroux, un des fondateurs en 2012 de cette start-up financière luxembourgeoise. « En l’occurrence, c’est la start-up qui a plumé le groupe du CAC 40 ! » rétorque-t-on chez Veolia. Qui a spolié qui? La justice devra trancher, dans un cas d’école sur les conflits d’intérêts. En attendant, chacun fourbit ses armes. « Nous sommes en train de chiffrer une demande d’indemnité, indique Franck Rouayroux. Elle pourrait aller jusqu’à 70 millions d’euros, le montant du contrat de service résilié par Veolia sur les cinq ans qui restait à courir. »

Ce contrat de 13 millions d’euros par an avait été signé fin 2014 avec Veolia Eau France, quand son dirigeant, Alain Franchi, avait confié à Olkypay la gestion des factures d’eau françaises (5 milliards d’euros par an). Mais, coup de tonnerre: Media part révèle fin 2016 que Jean-Philippe Franchi, contrôleur de gestion chez Veolia Eau France et frère d’Alain Franchi, a pris 10 % d’Olkypay peu après la signature du contrat. La suite montrera qu’il a payé via un prêt d’Alain Franchi. Le numéro deux de la société, Philippe Malterre, lui, a pris plus tard une participation. Fureur chez Veolia (https://www.lesechos.fr/28/11/2016/LesEchos/22327-080-ECH turbulences-a-la-tete-de-veolia-eau-france.htm), qui résilie le contrat en février 2017, porte plainte pour corruption, pour abus de confiance et assigne en nullité le contrat.

Dindons de la farce


« La notion de conflit d’intérêts ne nous est pas opposable. Elle ne justifie pas de résilier un contrat dont la prestation est effective et donne satisfaction», proteste Franck Rouayroux. Mais pourquoi avoir accepté de tels actionnaires? « Début 2014, Olkypay négociait une levée de fonds de 1,2 million d’euros avec HIG Capital France, finalement, son patron, Olivier Boyadjian, a décidé d’investir plutôt à titre personnel et a voulu faire le tour de table seul, raconte Franck Rouayroux. C’était un professionnel reconnu, nous l’avons laissé faire … »

Ce proche d’Alain Franchi commence par présenter Olkypay à Veolia. Le contrat est signé fin 2014. En mars 2015, il entre au capital avec son épouse, Jean-Philippe Franchi et des investisseurs individuels, tels Didier Lombard (ex-président d’Orange), François Drouin (ex-président d’Autoroutes et Tunnel du Mont Blanc) et Guy Tavenaud (ex-banquier chez Lazard). Il conçoit un pacte d’actionnaires (https://business.lesechos.fr/entrepreneurs/ressources-humaines/dossier/10026181/10026184-un-pacte-d-associes-pour-quoi-faire-34292.php) et obtient pour les minoritaires la majorité au conseil.

Marché fermé


« LesEchoss trois fondateurs d’Olkypay, qui ont gardé 50,1 % du capital, ont l’impression d’être les dindons de la farce», résume le cofondateur. CarVeolia, peu décidé à laisser la situation en l’état, réclame aujourd’hui (entre autres) 19,5 millions d’euros de« surcoût» estimé du contrat sur deux ans (Olkypay a répliqué par une plainte pour escroquerie au jugement) et a rapatrié la gestion de ses encaissements dans sa filiale Payboost. « Veolia nous avait demandé de travailler exclusivement pour lui et notre contrat était un forfait pour gérer également d’autres grands clients qu’aurait trouvés Payboost, qui devait être notre agent; à ce titre, Payboost avait eu accès aux spécifications de notre plate-forme», explique Franck Rouayroux, qui voit maintenant dans l’affaire un coup monté pour s’approprier le savoir-faire d’Olkypay. « Veolia s’était engagé dans la constitution d’une activité concurrente via Payboost bien avant l’article de Mediapart », assure-t-il.

L’an dernier, la start-up n’a pas obtenu le maintien du contrat, le juge des référés renvoyant au jugement sur le fond. Outre les plaintes déjà déposées (pour escroquerie et abus de confiance, notamment), elle chiffre donc une demande au tribunal de commerce d’indemnité de rupture de contrat. Mais quid de son activité?« On rebondit, difficilement. Nous avons acquis 500 clients depuis six mois et gérons entre 40 et 50 millions d’euros mensuels, en nous repositionnant sur les petits clients, telles les salles de sport franchisées, auprès de qui nous n’avons pas de problème d’image, observe Franck Rouayroux. Car, depuis cette affaire, le marché des grands clients s’est fermé. » Sans remaniement de l’actionnariat, pas sûr qu’il se rouvre.